INFOGRAPHIE JOURNAL LE MONDE: http://lemonde.fr/proche-orient/visuel/2015/03/27/huit-cartes-pour-comprendre-les-origines-du-chaos-au-yemen_4602929_3218.html
Nous recevons en date du 2 avril 2015 des nouvelles de Abdelmalek (nom d’emprunt pour protéger son identité, voir Chroniques du Shebastan 6), quelques jours après l’intervention militaire de l’Arabie Saoudite, sous la coiffe d’une coalition sunnite. Des nouvelles d’un ami sous les bombardements; des nouvelles d’un ami qui interpelle l’occident. Je reviendrai sur l’analyse de la situation au Yemen et la représentation que nous nous en faisons en Europe.
Voici le texte d’Abdelmalek:
Sous les bombardements des riches
C’est la fin de la journée à Sana’a. Je me promène dans les rues de mon quartier où la tempête de poussière qui avait attaquée l’Arabie Saoudite, domine. C’est un peu le désert dans ces rues. Pourtant, on peut trouver quelques enfants qui jouent. C’est l’innocence pure qui n’a aucune conscience de sa réalité sauvage. Tant mieux. Ceux-ci profitent de chaque moment pour remplir leur mission dictée par leur âge sans se poser même une questions sur l’instant suivant qui pourrait être dramatique. Des visages souriants qui cherchent à courir vers l’infini. Des passants traversent le terrain de jeux de ces gamins. Ce dérangement de terrain agasse les petits qui envoient des regards de reproche à des passants quasi aveugles qui portent des visages fatigués et dont les dos sont courbés au maximum possible. Les enfants yéménites veulent jouer. Les passants yéménites crient en silence leur tragédie représentée dans le fait d’être yéménite: S’agit-il d’une malédiction d’être né dans ce pays « maudit »? Songeraient-ils?
Je continue à marcher dans ces rues remplies de poussière. J’heurte les regards des gens, des regards intrigués. Je leur souris sans rien dire. Ils me répondent par un sourire humaine profonde, un sourire qui provoque mes larmes malgré moi, un sourire qui me remplit de colère contre la sauvagerie de l’homme, d’autant plus de celle d’un monde moderne qui pense que les droits de l’homme s’arrête aux frontière de ses pays.
Tout l’occident moderne, (l’occident des philosophies humaines les plus jolie, les enfants de l’époque des Lumières) sait très bien que la guerre contre le Yémen représente le sommet de l’injustice. Il le sait mais il ferme les yeux pour le pétrole des Saoudiens et afin de créer un nouveau marché pour leur industrie d’armes. C’est un occident qui s’est habitué à fermer les yeux sur l’assassinat des peuples pour les intérêts. Là, je n’entends pas seulement la politique mais j’entend aussi les peuples hypocrites.
ô l’occident de l’époque des lumières, ô l’occident des droits de l’homme, Heitler n’est jamais mort. Heitler règne toujours chez vous, il n’a fait que changer sa victime. Vous ne faites qu’approuver la pensée de Nietzche. Vous ne faites qu’enraciner l’image de la jungle. Si mes mots sont blessants pour vous, c’est un bon signe qui dirait qu’un jour vous pourriez être touchés pour les gens qui souffrent à l’étranger et peut-être à cause de la politique de vos pays.
Je suis sûr qu’aucun journal dans vos pays de liberté ne peut oser publier ces mots parce qu’ils sont tout simplement écrits par un yéménite, une race inférieure dont le meurtre en masse ne désigne un fait divers pour vous.
Tout ce que je viens d’écrire, était inspiré par la tempête de poussière qui règne dans mon quartier. Maintenant, c’est la tombée du soleil. Les enfants souriants, les passants fatigués et moi furieux, on est obligés de rentrer chacun chez soi parce qu’on a rendez-vous tous les Yéménite avec une autre tempête (la tempête décisive) de l’Arabie saoudite et de ses alliés dont vos pays. Si ces mots sont arrivés à être lus par vous, je me permets donc de vous laisser imaginer un instant notre vie sous les bombardements.
Abdelmalek, Sana’a 2 avril 2015